A Vendeuil, comme dans tous les villages du Vermandois, on célébrait la "fête du gai", qu'était ce que le gai ? Cette fête consistait en des réunions de famille ou pendant le carême on se livrait à de joyeux festins, aux plaisirs de la danse, aux divertissements de toutes sortes, dont le principal et l'obligé était le tir à la cible. Il n'était si humble chaumière qui n'ait ses "hariots" ou ses "vitelots" sur la table. Le "hariot" était une sorte de pâtisserie (ni flan, nigâteau, mais tenant de l'un et de l'autre) qui ne paraissait qu'en cette circonstance. Le carême passé, il n'était plus question de hariot. Les "vitelots" étaient de fines lanières de pâtes tendres (composées de farine de froment, d'œufs et de crème) cuites dans le lait. Les réjouissances du "gai" se manifestaient par de formidables illuminations dont les adolescents et les enfants faisaient les frais et qui avaient toujours lieu au premier dimanche de carême : ce qu'on appelait "brûler le Mardi-gras, faire le brandon ou le bihourdi".
Dès le matin, on allait de porte en porte quêter le bois et la paille qui n'étaient jamais refusés car un tel refus eut entraîné un grand danger. Personne ne doutait que celui qui n'aurait pas pris part à cette fête, n'eut été dévoré par les moucherons, si nombreux, des chaudes journées de l'été. Le tout était porté sur le point culminant du terroir, où le plus habile dressait un immense bûcher. Le soir venu, on procédait au grand incendie par des promenades tumultueuses, avec des torches enflammées.
Ce n'étaient que courses échevelées cris de joie, pluie d'étincelles. Enfin le feu était mis au bûcher. Aux "brandons" et bientôt s'élevaient vers les cieux des flammes dévorantes dont les lueurs illuminaient tout le village. Quelquefois partaient de nombreux coups de fusil. On entendait les sons d'un violon et d'une clarinette criarde et aussi les miaulements désespérés d'un chat attaché à la perche centrale du foyer. Le chat brûlé ainsi, symbolisait le diable en enfer. Au retour on se régalait de "hariots" et de "vitelots" puis sous le grand manteau de la cheminée, on se reposait des rondes du "gai".
Une fête ayant quelque analogie avec le "gai", était celle du "feu de la Saint-Jean" célébrée avec éclat à Vendeuil. Les feux de la Saint-Jean paraissaient remonter à une époque très éloignée. Ils peuvent être considérés comme un reste de l'ancienne superstition et de la vénération que les celtes avaient pour le feu, qui purifié tout, qui échauffé et consumé tout. Les païens l'adoraient comme la source première de la vie et du mouvement de l'univers ; on allumait des feux en réjouissance de l'arrivée du soleil au solstice d'été qui commence. Le premier roi des Assyriens (2640 avant Jésus-Christ) ordonna le culte de la religion du feu. Dans l'Inde, la fête du feu se célébrait dans les mois d'avril, mai et juin et durait dix-huit jours.
Pendant ce temps, ceux qui avaient fait vœu de se purifier devaient jeûner et coucher sur terre sans nattes. Le dix-huitième jour; après s'être paré la tête de fleurs et barbouillé le corps de safran, ils se rendaient au son des cymbales et des trompettes, à l'endroit où était le brasier qui avait trente au quarante pieds de long. Après avoir fait trois fois le tour du foyer, ils se marquaient le front avec un peu de cendres et traversaient, pieds nus, les charbons enflammés. La cérémonie achevée, le peuple s'empressait de ramasser les cendres du brasier qu'ils conservaient pieusement.
En Bretagne, les paysans conduisaient leurs troupeaux pour les faire sauter par dessus le brasier sacré, sur de les préserver ainsi des maladies.
En Poitou, pour célébrer la Saint-Jean, on entourait d'un bourrelet de paille une roue de charrette, on allumait le bourrelet avec un cierge bénit, puis on promenait la roue enflammée à travers les campagnes. Cette roue emblème grossier du disque du soleil, devait vivifier les terres et embellir les moissons.
A Paris, suivant un ancien usage, connu en 1573, on suspendait à l'arbre du feu de Saint-Jean un tonneau, un sac, ou un panier contenant des chats que l'on brûlait vifs. Les Parisiens recueillaient avec soin les tisons et les cendres et les conservaient dans leurs maisons, persuadés que ces restes du feu portaient bonheur.
De plusieurs lieues à la ronde, les paysans venaient assister aux offices religieux célébrés à Vendeuil et faire donner la bénédiction aux enfants qui, croyait-on alors, n'auraient pas peur du tonnerre. La veille de la Saint-Jean, dans la soirée, il se formait une procession ayant en tête le clergé et l'on chantait l'hymne de St Jean-Baptiste en se rendant à l'extrémité du village, au lieu-dit "l'arbre Charlot" où un bûcher avait été dressé. Tout le monde à Vendeuil, participait à l'édification du bûcher en fournissant une partie du bois qui était ramassé par les enfants de chœur. Les paysans trop pauvres allaient mendier pour, eux aussi, porter une bûche et le seigneur accordait ce jour-là pleine liberté de couper le bois mort dans le bois de son En 1495, Marie de Luxembourg, châtelaine de Vendeuil, fit distribuer aux pauvres, pour les aider à célébrer la fête de la St Jean, vingt-quatre sous et une corde de bois valant six sous.
Lorsque la procession était arrivée à "l'arbre Charlot", le prêtre mettait le feu au bûcher en entonnant de nouveau l'hymne de St Jean-Baptiste. Puis le clergé se retirait. Alors les paysans chantaient et dansaient en signe de réjouissances, et lorsque le feu était prêt à s'éteindre chacun emportait précieusement une braise du foyer que l'on conservait toute l'année et qui préservait du "feu du ciel". Dans certains villages de notre région on appelait les feux de la Saint-Jean "feux d'os" parce qu'on y brûlait des os d'animaux. La fumée devait éloigner les dragons qui volaient dans l'air et dont l'approche aurait pu corrompre les eaux des fontaines et occasionner ainsi une année de mortalité. D'autres disaient que ces feux d'ossements étaient allumés pour rappeler les souvenir des ossements de St-Jean que les Païens ont réduits en cendres dans la ville de Sébaste, située à deux lieux de Naples (là reposait le corps de St Jean-Baptiste que ses disciples y avaient fait porter quand Hérode lui eut couper la tête. Quelques temps après, la femme d'Hérode ayant appris que le Saint avait été enterré en cet endroit, fit tirer ses os de la terre et les fit brûler.
Le peuple gardait précieusement du charbon du feu de la St- Jean auquel il attachait certain pouvoir. On s'en frottait les tempes pour conserver la vigueur. Les vieillards en tenaient dans la main pour retrouver les forces perdues. Les uns faisaient trois fois le tour de ces feux et un signe de croix qui devait les garantir pendant toute l'année de maux de tête.
Les autres allaient, le jour de la fête, avant l'aurore, à jeun, cueillir l'herbe de la Saint-Jean, melilot qui croit dans les champs, les bois et les haies.
Cette herbe placée en ceinture, devait leur porter bonheur et les mettre à l'abri de tout malefice.
Mise dans un tas de blé ou de fourrage, elle le préservait des souris.
On allait aussi, pendant la nuit de la Saint-Jean fouiller les pieds de l'armoire ou du plantain. Cette plante devait renfermer un charbon dont la vertu était de préserver de la peste, du charbon et de la foudre. Les feux de la Saint-Jean ayant amené certains abus, l'arrêté suivant fut pris le 26 juin 1836 pour faire cesser ces divertissements :
ARTICLE 1 : il est défendu de se réunir pour aller demander du bois destiné aux feux de Saint-Jean et de Saint-Pierre ; les citoyens sont invités à n'obtempérer à aucune de ces demandes.
ARTICLE 2 : Les feux dits de Saint-Jean et de Saint-Pierre sont défendus. En conséquence, ceux qui en feraient ou aideraient à en faire, de quelque manière que se soit, seront passibles des peines prononcées par la loi. Il est également défendu de jeter sur la voie publique des pétards ou autres pièces d'artifice. En conséquence, nul ne pourra en fabriquer ou en vendre sans autorisation.
ARTICLE 3 : Les pères et mères, tuteurs, maîtres de pension et artisans sont civilement responsables des faits de leurs enfants, pupilles, élèves, ouvriers ou domestiques. Tous les habitants paisibles sont invités à bien vouloir aider de leurs concours l'exécution des mesures ci-dessus.
A Vendeuil, cette coutume n'existe plus depuis 1838. Le feu de la St-Jean fut remplacé par le "Bourg St-Jean", feu qui brûlait dans l'église pendant la messe de St Jean-Baptiste et au-dessus duquel les mères passaient leurs petits enfants. Cette dernière coutume n'existe plus depuis 1860.
Le carnaval, vieux souvenir des orgies et des superstitions païennes qui se célébraient autrefois à Rome au mois de Février, obtint en Picardie une grande popularité. Les trois jours précédent le mercredi des cendres s'appelaient chez nous les "quaresmels" ou "quaresmiaux".
Le "quaresmel" était un des cinq termes de l'année pour le paiement des rentes en cens et, dans les stipulations de fermage pour les châteaux et abbayes, on n'oubliait point une redevance en nature tirée de la basse-cour ou de l'étable et à livrer à l'époque du "quaresmiau". Aux jours du carnaval, avaient aussi lieu les divertissements qui consistaient à voir traîner dans des tonneaux, des bouffons débitant par les rues des libelles qu'on appelait "rebus de Picardie" c'étaient des espèces d'énigmes figurées qu'on donnait à deviner. On donnait aussi le"charivari" à certaines personnes qui avaient mérité l'animadversion populaire.
C'était au Jeudi gras qu'avait lieu le combat des coqs. Nous retrouvons le coq du Mardi gras dans ce proverbe Picard :
On entendait aussi autrefois ce couplet :
On se livrait au "charivari" pour accueillir les personnes peu intelligentes qui avaient été dupées le jour du 1er avril pour le "poisson d'avril". Les voisins de ces personnes s'assemblaient alors armées de pelles, de bêches, de poêles, de poêlons, de casseroles, d'étouffoirs et de couvercles dont ils faisaient des cymbales improvisées et, des paraissait la personne dupée, le charivari commençait dans le quartier.
L'origine des farces et attrapes dont de nombreux individus étaient victimes au 1er avril remonte fort loin et différentes hypothèses ont été émises sur l'origine de cette fête des nigauds.
La pêche ouvre dans plusieurs pays le 1er avril, mais le poisson ne mord pas, et le pêcheur, en dépit de ses efforts, rentre bredouille. D'où la coutume d'attraper le simplé avec un appât toujours fuyant, comme le 1er avril, le poisson échappe au pêcheur.
Un prince de Lorraine fut enfermé au château de Nancy par Louis&nbp;XIII. Il s'enfuit en traversant la Meurthe à la nage, et les Nancéens se moquèrent de leur gouverneur en disant qu'on lui avait donné un poisson à garder.
"poisson" serait une altération du mot "passion". On envoie les personnes crédules dans des courses imaginaires et continuelles, comme Jésus fut renvoyé d'un tribunal à un autre, d'Anne à Caiphe, de Pilate à Hérode, d'Hérode à Pilate.
Jusqu'à une date relativement récente (1594) l'année commençait le 1er avril et avec elle les étrennes et les cadeaux. Quand on reporta le 1er jour de l'an au 1er janvier, il ne resta plus aux braves gens qu'à se faire, le 1er avril, des vœux imaginaires et des cadeaux simulés. Comme au mois d'avril le soleil quitte le signe zodiacal des poissons, ces cadeaux prirent le nom de "poissons d'Avril".
Au Moyen-âge, dès le matin, le seigneur et ses vassaux se paraient de leurs plus riches vêtements et l'on faisait entrer "haut-bois de l'avant" on appelait ainsi les musiciens qui jouaient du hautbois de maison en maison depuis neuf heure du soir jusqu'à minuit durant les quatre dimanche qui précédent la fête de Noël.
De la musique en tête, on se rendait en grand cortège au parc des couples forestières (délits forestiers). Le parc était une enceinte où l'on enfermait les bêtes prises causant du dommage dans l'étendue des domaines seigneuriaux. Là, le prévot et le sénéchal, après avoir fait le signe de la croix et dit trois fois à haute et intelligible voix : "pax sit inter vos" faisaient sortir les bœufs et les ânon, qu'ils rendaient à leur maître (ces animaux étaient en très grande vénération pendant les trois jours de la fête, en souvenir de l'âne et du bœuf qui se trouvaient dans la crèche. A la nuit tombante commençaient d'autres réjouissances.
Dès que la dernière lueur du jour s'était fondue dans l'ombre, tous les habitants du pays avaient grand soin d'éteindre leurs foyers, puis ils allaient en foule allumer des brandons à la lampe de l'église. Cependant les pères de famille, accompagnés de leurs enfants et de leurs serviteurs allaient à l'endroit du logis où, l'année précédente à la même époque, on avait mis en réserve les restes de la bûche de Noël.
Ils rapportaient solennellement ces tisons ; l'aîeul les déposait dans le foyer, et tout le monde se mettait à genoux, roulait le "palet" tandis que deux forts valets de ferme apportaient lentement la bûche nouvelle. On disait : la bûche première, la bûche seconde, la vingtième, ce qui signifiait que le père de famille avait déjà présidé une fois, deux fois... vingt fois semblable solennité.
La bûche nouvelle était toujours la plus grosse que l'on eut pu trouver; c'était la plus forte partie du tronc de l'arbre ou même la souche. On y mettait le feu et les petits enfants allaient prier dans un coin de la chambre afin, leur disait-on que la souche leur fit des présents et, tandis qu'ils priaient, on mettait au bout de la souche des paquets de bonbons et des fruits confits. A Vendeuil, avait lieu la présentation de l'agneau. La veille de Noël, pour la messe de minuit, on voyait arriver en foule les habitants des pays voisins escortant leurs bergers et bergères qui venaient assister aux offices. Les bergers vêtus de leur long manteau et portant leur houlette et les bergères vêtues de robe blanche, se réunissaient en procession dans une des allées de l'église. A la tête se plaçait un berger choisi pour présenter à la bénédiction du prêtre un agneau orné de fleurs et de rubans. Cet agneau que l'on piquait avec une aiguille pour le faire bêler était posé dans un plat porté par le berger s'avançait lentement dans le chœur, au devant du prêtre et présentait l'agneau à la bénédiction. Aussitôt tous les fidèles entonnaient un cantique et le grand orgue se faisait entendre.
Après la messe, l'agneau était rapporté au milieu du troupeau pour y porter la bénédiction qu'il avait reçue et, à la St-Jean, on donnait au curé le plus bel agneau du troupeau.
Le jour de Noël, pendant la messe, le premier chanteur se présentait à l'autel devant le curé. Il commençait à chanter puis se tournait vers les hommes qui étaient dans les stalles du chœur. Il faisait choix de l'un d'eux pour lui répondre (presque tous les hommes connaissaient alors le plain-chant qui leur était enseigné par le curé, les dimanche après vêpres). C'étaient un grand honneur d'être ainsi distingué et le soir, le chanteur recevait à souper le curé et le chanteur avec des amis qu'il lui plaisait d'inviter.
A la fin du XIX°nbsp;siècle, on retrouvait encore dans une vieille Picardie, quelques uns de ces patriarcals usagés; dans les campagnes, les enfants ne manquaient pas à Noël d'aller avec leur parrain et marraine chercher leur "cugnot", longs gâteaux à deux têtes ou représentant des figures d'hommes et de femmes, de cavaliers et d'animaux, dont ils se montraient friands. A la veillée, la ménagère distribuait la "gaufre" et le "raton" qu'on arrosait de cidre en attendant la messe de minuit.